Ci-dessous un bilan, du "village d'insertion" de Saint-Ouen, fait par Amnesty International et la voix des Rroms. Extrait du journal Charivary.
L ’association Logement Jeunes 93 est l’organisme mandaté par
l’Etat, la mairie d’Ivry et la préfecture du Val de Marne pour
déterminer quelles seront les 14 familles qui, parmi les 73 foyers
interrogés du camp Truillot, pourront bénéficier d’une solution de
relogement en vertu de leur potentiel d’« intégrabilité ». Et quelles
seront les 59 autres qui resteront sur le carreau et se feront expulsées
avec le démantèlement du camp.
– Et oui, l’intégrabilité ça se mesure. Pour l’ALJ 93, il faut
que les habitants du camp parlent français et qu’ils aient de bons
rapports avec les voisins, autrement dit qu’ils sachent « s’intégrer
dans la ville ». Plusieurs autres critères rentrent en jeu dans la
sélection: la scolarisation des enfants, l’existence ou non d’un projet
professionnel voir « d’un projet de vie », leurs « motivations » pour
rester en France et leurs liens avec les pays d’origine : moins ils en
ont plus ils ont de chance d’être sélectionnés…. Les enquêteurs
vérifient également l’état de santé, les casiers judiciaires, … . Quant
aux données très personnelles qu’ils recueilleront, elles pourront être
transmises à la préfecture.
Nous avons voulu en savoir plus sur cet organisme qui
sévit en ce moment même à Ivry. Un rapport d’Amnesty international de
septembre 2013 dénonce les pratiques de cette association.
– En juin 2013, l’ALJ93 a réalisé un diagnostic du camp des
Coquetiers à Bobigny, 15 jours avant son expulsion. L’ensemble des 150
occupants a été interrogé en une seule journée, ce qui laisse tout de
suite présager de l’absence de finesse dans la connaissance des familles
et des solutions à apporter. Après le diagnostic, 3 familles sur les 12
ont été choisies pour un hébergement d’urgence en chambre d’hôtel car
celles-ci étaient considérées comme « vulnérables ». Mais elles n’ont
finalement pas accédé à ces logements précaires car n’ont pas été
prévenues des réservations. Le jour de l’expulsion l’ALJ 93 n’était pas
présente et les 150 personnes évacuées ont dormi à la rue avant
d’occuper un autre terrain
– Selon Amnesty international toujours, l’ALJ 93 n’assure pas
un diagnostic correct de l’état de santé des personnes. En effet, elle
n’est jamais accompagnée de professionnels de la santé, les enquêteurs
ne sont pas médicalement qualifiés et ils ne voient pas tous les
documents médicaux alors que ce sont eux qui sont censés signaler les
personnes vulnérables. Apparemment ce manque de compétence et le travail
bâclé d’enquête ne sont que des détails pour eux car ils ont indiqué à
Amnesty international qu’ils estiment qu’« une personne qui est malade
ça se voit ».
Pour un autre aperçu du travail de l’ALJ93, nous
sommes allés fouiner sur le site de l’association «La Voix des Rroms»
qui décrit les dispositifs mis en place par l’ALJ en région parisienne.
– « Le « village d’insertion » de Saint-Ouen avait ouvert ses
portes en 2008 accueillant ou enfermant à chacun de voir, 19 familles,
heureux sélectionnés après l’expulsion d’un camp. Le gestionnaire de ce
« village » était l’ALJ 93 avec des financements conséquents dont 75%
sont alloués à la surveillance et au gardiennage (dans les prisons, ce
poste budgétaire représente environ 37% seulement du budget). 5 ans plus
tard, la matière première que sont les Rroms est abandonnée et invitée à
quitter les lieux.
– Le bilan laisse songeur : 4 familles seulement sur 19 ont pu
trouver une vie autonome. Quatre autres ont été transférées dans le
« village d’insertion » d’Aubervilliers, géré lui aussi par la même ALJ
93. Quatre autres ont été virées pendant le projet, pour des raisons que
nous ne connaissons pas de manière précise, mais dont on peut supposer
qu’elles aient eu un lien avec le respect des règles drastiques de ce
centre fermé (on ne pouvait pas y recevoir de la visite par exemple, y
compris de sa famille proche). Enfin, les sept familles restantes
devaient avoir quitté les lieux en juillet 2013, sous la menace d’une
intervention de la police pour les déloger.
– L’ALJ affirme qu’ils n’ont « pas répondu aux critères de
volonté d’intégration ». Pourtant, tous les enfants, scolarisés, parlent
un français parfait, et une majorité d’adultes ont une maîtrise
satisfaisante de cette langue. Beaucoup ont déjà des autorisations
provisoires de séjour, certains ont des contrats de travail (dont un
CDI, cette vieille chose qu’on ne voit plus souvent), et deux ont créé
des petites entreprises. L’un d’entre eux a déclaré aux représentants de
la ville qu’il s’était vu déchirer le K-bis par les « accompagnateurs »
qui le « prenaient en charge », sous prétexte que cela n’était « pas
intéressant » pour lui. Et des exemples similaires de bon
« accompagnement » il y en a eu d’autres. Il ressortait de ces échanges
que si la réussite du projet n’est pas au rendez-vous, ce n’est
certainement pas faute d’efforts des « accompagnés », mais plutôt faute
de volonté réelle de l’ « accompagnant ».
Autant dire que nous ne cautionnons pas les méthodes
de l’ALJ93 et que nous veillerons à ce qu’il y ait des propositions
correctes et adaptées pour toutes les familles qui habitent le camp
Truillot.